Si la recherche d'un installateur compétent et honnête est en soit une tache ardue, ce n'est qu'un hors d'oeuvre comparé à la recherche d'un financement.

Pour bien comprendre le contexte, j'ai un salaire d'ingénieur grandes écoles, un taux d'endettement de 0%, la capacité financière pour avancer la TVA, la capacité de faire un apport de 20% du coût du projet, et je suis propriétaire de plein droit de la maison et des terres environnantes. Je pensais donc qu'à la vue de ma situation personnelle, de la qualité du matériel retenu et de l'ensoleillement du site, le financement serait facile et rapide. La suite me montrera que c'est bien plus compliqué que ça.

Comme expliqué dans la partie montage juridique d'une installation photovoltaïque, il n'est pas nécessaire de créer une société pour être exploitant d'une installation de 36 KVA, ce qui déconcerte profondément les banquiers. Ils ne savent vous classer que dans deux catégories : particulier ou professionnel. En tant que particulier, ils proposent des prêts de type immobilier avec des taux très compétitifs, mais avec les contraintes habituelles (taux d'endettement maxi de 33%). En tant que professionnel, ils vous demandent les statuts de votre entreprise, ou encore le numéro de votre compte courant professionnel, et vous proposent des taux bien plus élevés que pour les prêts aux particuliers. Et comme les interlocuteurs et les agences ne sont pas les mêmes suivant que l'on parle de prêt perso ou pro, j'ai été bien baladé pendant mes démarches.

J'ai démarché 4 banques pour le financement de mon projet.

 

- Tout d'abord, la Caisse d'Epargne du coin de la rue. Accueil poli, mais on m'indique qu'il ne s'agit pas d'un prêt au particulier, et qu'il fallait se rapprocher de leurs experts en prêts industriels. Donc prise de rendez-vous le Samedi suivant avec un conseiller spécialisé. Toujours un bon accueil, présentation détaillée du projet, solutions techniques, business plan. Le conseiller est enthousiaste, et m'indique qu'il est intéressé pour financer mon projet. Il me promet une offre pour la semaine suivante, et me donne son numéro de portable. 10 jours plus tard, n'ayant pas eu de proposition, je l'appelle sur son portable : "je suis en réunion ; je vous rappelle" ; il ne rappellera pas. A partir de là, toutes mes tentatives d'appels se solderont par la redirection vers sa messagerie. Je n'arriverai plus jamais à le contacter.

- Ensuite avec le Crédit Mutuel, mitoyen de l'agence de la Caisse d'Epargne. Prise de rendez-vous pour la semaine suivante, puis report d'une semaine à la dernière minute. Le conseiller ne connait pas le photovoltaïque, mais écoute attentivement mes explications et récupère toutes les pièces du dossier que je lui présente. Il me donne sa carte, et me promet une réponse pour la semaine suivante. Il ne me recontactera pas la semaine suivante. Pendant 15 jours, je lui téléphone (sans succès) et lui envoie des mails. La seconde semaine, je recois en réponse de mes mails un message automatique m'indiquant qu'il est en congé pour la semaine. La troisième semaine, je relance encore, et finalement en fin de semaine je reçois un message où le conseiller m'informe qu'il a changé d'agence depuis 3 semaines et qu'il ne s'occupe plus de mon dossier. Ce qui veut dire qu'il m'a reçu 48 heures avant de changer d'air, et ne m'en a pas dit mot ; très classe. Il m'indique aussi que mon dossier est désormais transmis à une autre personne. Après deux semaines de relance, ce nouveau conseiller m'envoie un email en m'informant que le Crédit Mutuel a décidé de ne pas financer mon projet, sans autres formes d'explications. Je commence à me demander sur quelle planète vivent les banquiers, et s'ils sont intéressés pour travailler et jouer leur rôle de financeur de l'économie.

 

- Je continue ma recherche en contactant la Banque Populaire, bien connue pour financer beaucoup d'installations photovoltaïques. Prise de rendez-vous avec une agence à quelques kilomètres de chez-moi. Je suis reçu par une jeune conseillère, aussi jolie qu'ignorante du secteur du photovoltaïque : "c'est le soleil qui crée l'électricité. Ah boooonnnn!!!". Je passe un long moment à tout expliquer, à présenter le devis retenu, le business plan, et ma situation personnelle. Elle essaie de faire une simulation de financement, comme s'il s'agissait d'un prêt immobilier, avec assurance chômage et invalidité, et un taux d'endettement de 33% maxi. J'ai beau lui expliquer que c'est un projet industriel, que l'installation va s'autofinancer (et pas par mon salaire), que si je suis au chômage le soleil va continuer à briller quand même, rien n'y fait. Elle m'indique au final qu'elle va se renseigner auprès de sa hiérarchie et me recontacter. Je la relance régulièrement par téléphone et par messagerie, sans aucune réponse. Au bout d'un mois et demi, ayant les adresses email des responsables Banque Populaire énergies renouvelables régionaux et nationaux, j'écris à ces derniers en leur demandant de m'aider, ou de m'indiquer que la BP n'est pas intéressé pour financier des projets écologiques. Moins de deux heures plus tard, ma conseillère m'envoie un email en m'indiquant qu'il s'agit d'un projet industriel hors de son périmètre, que mon dossier a été transmis à une autre conseillère, et qu'il me fallait la contacter. Entre les lignes, je comprends qu'elle s'est pris un bon soufflon, mais que ce n'est pas de sa faute. C'est cela oui! Je me rends compte progressivement qu'un banquier qui pense qu'il n'aura pas de prime de contrat ne fera pas le moindre effort pour transférer le dossier à un collègue plus compétent. Ca a l'air sympa l'ambiance dans les agences. La nouvelle conseillère me demande quelques données supplémentaires, que je fournis aussitôt. Puis plus rien ; la standardiste fait barrage et les mails restent dans le vide. J'apprends alors qu'il y a une agence de la Banque Populaire à 50 km de chez moi qui paraît-il connait bien le photovoltaïque. Donc prise de rendez-vous le Samedi suivant. Je rencontre un conseiller qui connait un peu le secteur. Malgré toutes les garanties techniques que j'apporte, il n'a qu'une seule ligne de conduite : il lui faut des garanties tangibles. De plus, il demande le transfert de mes comptes à son agence. Il me demande un nantissement en titres boursiers de 3 fois le montant du prêt , ou l'hypothèque de ma maison qui vaut le double du prêt, avec en plus le nantissement du contrat EDF et la caution sur les panneaux. Donc installation toute pourrie ou projet industriel ultra-ficelé, ce n'est pas son problème ; il lui faut des garanties tangibles d'au moins deux fois la valeur du prêt. Et on dit que les banquiers sont là pour financer l'économie et que les taux d'intérêts servent à couvrir les risques qu'ils prennent. Je suis quand même tenté de penser qu'avec le risque que prend ce banquier avec de telles garanties, il devrait faire des taux à moins de 3%. Même pas ; il va me proposer 3.4% net. Avec le coût de toutes les garanties demandées, ça doit faire un TEG très élevé (une hypothèque, c'est au minimum 2000€).

 

- Enfin, je me suis naturellement tourné vers mon agence du Crédit Agricole, que je fréquente depuis 25 ans. Rendez-vous un samedi à l'agence. "A mon bon Monsieur, ici on ne fait pas ce type de projet, il faut prendre rendez-vous avec l'agence pro à l'autre bout de la ville". Ils auraient pu le dire au moment de la prise de rendez-vous. A l'agence pro, on me dit que comme mon projet dépasse 100 K€, une toute nouvelle règle veut que mon dossier soit transféré à Unifergie, une filiale du Crédit Agricole spécialisée dans le financement des énergies renouvelables. Ils ont l'habitude de financer des projets gigantesques, de plusieurs dizaines de millions d'Euros. Enfin des gens qui savent de quoi ils parlent ; ça va me changer. Par contre, je vais très vite découvrir qu'ils ne sont pas du tout habitués à traiter des projets aussi "modestes" que le miens. On me propose de remplir un gros dossier. On me demande par exemple : tous les détails techniques, les garanties sur le matériel, le respect des normes Européennes, les masques d'ombrages, une photo panoramique allant de l'ouest à l'est, devis ultra-détaillé, schéma unifilaire, notes de calcul, système de monitoring, déclaration de non opposition aux travaux, planning du chantier, CV du chef de chantier, pénalités de retard, garantie de performance, contrat de maintenance, garanties pertes d'exploitation, garantie multirisques et dommages aux biens, garantie vol, assurances pendant le chantier, décennale installateur, références et bilan financier de l'installateur, ainsi que ma situation personnelle détaillée. Avec l'aide de mon installateur, je remplis le dossier et je leur envoie. Un mois plus tard, on me dit qu'à cause de la nouvelle règlementation il faut entièrement refaire le dossier, car le gabarit du dossier a changé. Je refais tout et je renvois. Trois semaines plus tard, Unifergie me dit que ce n'est pas à moi d'envoyer le dossier, mais à mon installateur, et me demande des informations supplémentaires. Mon installateur complète le dossier, et troisième envoi du dossier. Deux semaines plus tard, je reçois le compte-rendu de leur analyse ; mon dossier est noté 88/100. Je constate que ce document est rempli d'erreurs, car certaines de leurs remarques ne sont valables que pour des installations de plus de 250KWc. Le plus important, c'est qu'ils considèrent que mon projet est solide et qu'ils sont d'accord pour le financer, avec peu de garanties. S'ensuit presque un mois de discussions et de fournitures de compléments d'information : évaluation valeur de la maison par une agence immobilière, copie du titre de propriété, copie des 3 dernières feuilles de paie, avis d'imposition, titres boursiers détenus, fiche de situation patrimoniale. Le Crédit Agricole m'a au final proposé un prêt de 140 000€ sur 8 ans à 3.55% net, ce qui donne un TEG de 5.12% (0.5232% d'assurance, 700€ de frais de dossier, 400€ pour l'audit Unifergie et 1600€ que me coutera sur 8 ans le compte courant pro que l'on m'a forcé à ouvrir car au Crédit Agricole un prêt pro ne peut se faire que dans un compte pro). J'ai un différé partiel de remboursement de 6 mois. Au niveau garantie, ce qui m'a été demandé me parait raisonnable : la cession de créance du contrat EDF et la délégation du contrat d'assurance ; pas d'hypothèque ou de garanties déraisonnables. Si je fais défaut de paiement, ils récupèrent l'argent à la source, auprès d'EDF et de l'assureur. Avant de signer, il m'a fallu fournir en plus : copie contrat d'assurance perte d'exploitation 12 mois + responsabilité civile + dommages, attestation sur l'honneur de l'intégration au bâti, attestation de l'installateur certifiant que l'installation répond aux normes NF DTU, attestation de non opposition aux travaux délivrée par la mairie, devis de l'extension de garantie des onduleurs (indiqué dans le devis global de l'installateur), devis d'ERDF pour le raccordement, copie écran du suivi d'avancement du contrat EDF AOA du site www.edf-oasolaire.fr justifiant de la demande de contrat de rachat EDF au prix indiqué dans le business plan, copie du devis définitif et ferme, accepté et daté. Je suis relativement satisfait de leur proposition - surtout quand je vois comment se sont passées les discussions avec les autres banques - et au bout de 5 mois de recherche et de démarches, j'ai donc finalement signé avec le Crédit Agricole. C'est la seule banque qui a cherché à savoir si mon projet était robuste, si la solution technique était fiable, et si l'installateur était solide et compétent. Ce sont les seuls que j'ai senti prêts à prendre une minuscule part du risque, celle que devrait prendre toute banque qui joue son rôle de carburant de l'économie.

Avec l'arrivée de la règlementation de mars 2011, les choses sont encore plus compliquées ; il faut en effet un capital initial et un accord de financement pour faire son dossier ERDF. On ne peut donc être sûr du prix de vente de l'électricité qu'après avoir obtenu son prêt ; essayez d'expliquer ça à un banquier.

Donc, de mon cas particulier, j'en conclu que :
- Soit vous avez un dossier ultra béton avec un apport personnel, et il y a au moins le Crédit Agricole qui peut vous suivre sans garanties absurdes.
- Soit vous avez un dossier peu ou moyennement consistant, et il vous faudra vous retourner vers des banques qui proposent de bons taux, mais en vous demandant des garanties pouvant être disproportionnées avec la somme empruntée (en général de grosses hypothèques).

Je trouve tout de même très étonnant qu'avec l'engouement extraordinaire qui existe en 2010 pour le photovoltaïque, que les banques ne soient pas encore organisées en conséquence. Vu les sommes brassées annuellement par le secteur photovoltaïque, elles devraient avoir des départements spécialisés sur l'évaluation des solutions techniques, des différents intervenants et du sérieux de l'organisation des projets. Et bien non, sauf cas particuliers, les banques ne savent pas évaluer un projet et ne sont pas capables d'évaluer le risque financier de chaque projet photovoltaïque ; d'où cette propension à demander systématiquement des hypothèques.

 

 

 

 

 

 

Projet photovoltaïque / Recherche d'un financement